Bolivia

Un jour, un fait du jour...

29 Avril : Course contre la montre à La Paz
D'après la carte, le terminal n'est pas très loin de l'hôtel. Ce matin, le but est de prendre le bus pour Oruro et d'enchaîner avec l'Expresso del Sur pour Uyuni. Ratage interdit, ce train ne part que deux fois par semaine. La demi-heure estimée initialement est loin d'être suffisante, surtout en commençant par partir dans la direction opposée puis en cumulant les choix d'orientation douteux. Gros coup de speed et course folle à 4000 m d'altitude sans être encore acclimatés, avec des dénivelés loin d'être anodins, un trafic anarchique qui nous incite à marcher à côté de nos vélos plutôt qu'à pédaler, et pour finir, des sacs à dos qui pèsent deux tonnes. On a transpiré, mais on l'a eu...

30 Avril : Se necessita un mecanico con experienca
Fin de journée au cimetière des trains d'Uyuni. Deux heures à attendre le coucher de soleil, à tourner autour de ces vieilles locos pleines de tags, à imaginer leur histoire, le son latino de Manu Chao dans les écouteurs de l'iPod. En ce qui me concerne, le voyage commence réellement ici. L'autre fait du jour aurait pu être le forfait de Seb pour le trip en vélo. Asi es la vida...

1er Mai : Muy frio
Nuit au refuge de Laguna Verde, à l'extrême sud de la Bolivie, à 4300 m d'altitude dans le désert du Sud Lípez. Dehors, il fait moins vingt et le vent est glacial. Dedans, les vitres pleines de givre indiquent une température négative. La soupe aux légumes de Valerio, mangée avec un bonnet et des gants, est un délicieux mais trop bref moment de répit.

2 Mai : Premiers tours de roue
Avec dans la tête la perspective du trip en vélo, l'excitation se mêle à l'impatience et la peur tout au long de la remontée du désert du Sud Lípez. Après la nuit glaciale à Laguna Verde, ne va-t-il pas faire trop froid ? En suis-je capable ? Cette aventure ne va-t-elle pas être un calvaire ? En fin d'après-midi, au milieu de nulle part, le moment est venu de laisser Seb, Valerio et le 4x4 faire demi-tour et de commencer à pédaler en solo.

3 Mai : Quand le lyophilisé devient pollo-patatas
Après une première journée de roulage laborieuse et solitaire, je choisis la seule hospedaje de San Juan un peu animée. Autour de la table, un groupe de touristes m'accueille chaleureusement autour d'un thé et de gâteaux secs. Mieux encore, leur guide m'offre généreusement de partager leur dîner. Entre canadiens, irlandais et français, la partie de Texas Hold'em qui suivra sera acharnée.

4 Mai : Ce qui devait arriver...
Au moment de recommencer à pédaler après la pause déjeuner, composée d'un Twix et de quelques gorgées d'eau, le pneu avant est à plat. Appuyer le vélo sur un buisson épineux était visiblement une idée à deux balles. Après avoir cassé deux démonte-pneus sur trois, je massacre la première chambre à air de rechange à force d'essayer de faire coucher ensemble une valve et une pompe qui n'ont visiblement pas d'affinité particulière l'une pour l'autre. La deuxième chambre à air de secours qui est mieux adaptée permet la réparation, mais je n'ai plus de joker.

5 Mai : L'envers du décor
Au milieu de l'immensité du Salar d'Uyuni, l'île Incahuasi est saturée de touristes qui débarquent vers midi et partent en fin d'après-midi. Au contraire d'eux, être en vélo me donne l'opportunité d'y passer la nuit. Seul gringo restant sur l'île finalement désertée, j'ai la chance de voir l'envers du décor : à la tombée de la nuit, un bus arrive. Il est rempli de boliviens qui vont passer une partie de la nuit à effacer les traces du passage des touristes. Ils repartent incognito le lendemain au lever du jour.

6 Mai : ¡Buen viaje
!
Par une surprenante succession de coïncidences, la soirée à Uyuni se passe avec des voyageurs des groupes croisés les jours précédents à San Juan et Chuvica. Ils reviennent de leurs circuits en 4x4 dans le Sud Lípez. Je suis le trait d'union entre ces personnes qui ne se connaissent pas, qui passent un bon moment ensemble, et qui vont chacune repartir dans une direction différente. Cette soirée qui doit tout au hasard se termine à 23 heures sur le quai de la gare, où certains vont prendre l'Expresso del Sur pour rejoindre la frontière argentine. Même si je ne monte pas dans ce train, par lequel je suis d'ailleurs arrivé une semaine plus tôt, la boucle est bouclée.

7 Mai : A la porte
Potosi, trois heures du matin. Le trajet froid et chaotique en bus depuis Uyuni vient de se terminer, la plupart des autres voyageurs continuent vers Sucre. Seul dans la ville endormie, le plan est de trouver, sans plan, l'auberge San Antonio. Je n'ai pas réservé, mais c'est par là que Seb est passé deux ou trois jour avant. Devant la porte fermée de l'auberge et dans le silence de la nuit, je ne sais pas trop quoi faire... il y a bien un interphone, mais à cette heure tardive je n'ose pas sonner. A ce moment un client arrive, sort sa clef et entre. Je profite de l'opportunité...

8 Mai : Crevaison (bis)
Je viens de débarquer à Sucre. Alors que je galère dans la rue à marcher avec mon sac à dos énorme à côté de mon vélo doublement crevé, deux petits vieux assis sur un banc m'interpellent et essaient de m'expliquer (plus exactement, j'essaie de comprendre) que je pourrais faire réparer mon vélo dans le petit atelier caché au coin de la rue. Il faudra moins de quinze minutes au
mécano pour remplacer les deux chambres à air. Chacun son métier.

9 Mai : Seb
Depuis que nos chemins se sont séparés une semaine plus tôt dans le Sud Lípez, quelques échanges de mails nous ont permis de garder le contact et de choisir à distance le même hôtel à Sucre. Notre face à face dans le patio de l'auberge Colon en milieu d'après-midi n'est donc pas entièrement dû au hasard. Néanmoins, ce moment précis reste particulier. Entre mon trip en vélo et la sortie de Seb dans la Cordillera de Los Frailes, nous passons l'après-midi à enchaîner les anecdotes.

10 Mai : Les toits de Sucre
L'obstination et le culot des allemands Julia et Tobias finissent par payer : la visite du couvent San Felipe Neri nous permet d'accéder au toit de l'église et de partager un moment unique, celui de voir Sucre d'en haut et d'admirer en toute tranquillité l'architecture coloniale de la ville blanche. Ce moment marque la fin de notre séjour à Sucre : cette nuit, la flota nous ramène à La Paz.

11 Mai : Nada
Le fait du jour de cette journée de transition à La Paz est le copieux petit déjeuner pris à l'hôtel Rosario. C'est dire si la journée a été riche...

12 Mai : Felicitaciones al cocinero
Ce soir au camp de base du Condoriri, il neige et il fait froid. Dans la tente chapiteau, nous profitons de la chaleur dégagée par le réchaud qu'utilise Vicky pour préparer notre repas. Avec les moyens du bord et en jonglant entre les casseroles, notre cuisinière assure comme un chef : soupe aux légumes, steaks de lama, pâtes "pilaf". C'est basique, mais pas simple. Dans
ce contexte, c'est juste un régal.

13 Mai : ¡Salud!
A l'issue de la journée de trek, le réveil matinal sous la tente recouverte de neige se disputait le titre de "fait du jour" avec la toute première vision du sommet découvert de Huayna Potosi... L'apéro offert par Gonzalo en fin d'après-midi a finalement soufflé in extremis ce titre aux deux premiers prétendants. Le vin blanc bolivien de la région de Tarija est plutôt bon. Le saucisson à l'ail et le pain de mie, eux, agrémentent comme ils peuvent cet apéro inattendu.

14 Mai : En haut du mur...
... il y a un autre mur. Depuis Laguna Glaciar, le bas du glacier du Huayna Potosi forme une sorte de mur a priori accessible. Nous forçons un peu la main à Gonzalo pour nous y aventurer. La marche dans la neige est difficile mais spectaculaire. Les nombreux rochers portés par des colonnes de glace témoignent de l'impressionnante fonte du glacier au cours des dernières années. L'envie de continuer à monter toujours plus haut est forte, mais lorsque le bâton s'enfonce subitement de plus d'un mètre dans une petite crevasse...

15 Mai : Col de Milluni
Dernier grand col du trek avant l'ascension. Comme pour chacun des cols précédents, les derniers mètres sont les plus durs mais la récompense est là. Depuis là-haut, non seulement on aperçoit au loin le lac Titicaca mais on a surtout une nouvelle lecture des massifs que nous venons de traverser ces quatre derniers jours. Il est difficile de rester sur la crête à 5200 m tant le vent est fort et froid. Mon appareil photo, que je crois justement à l'abri du vent derrière mon sac à dos, ne l'est pas : enfermé dans sa housse, il commence à dévaler la pente et m'oblige à piquer un sprint vertigineux dans la descente. Et bien sûr, à remonter pour profiter encore du panorama.

16 Mai : 6088 m
Ca a été terriblement difficile d'arriver jusque là, mais à ce stade de l'ascension, je SAIS que j'irai au sommet. En face de moi se dresse la partie la plus difficile de l'ascension : les deux cent mètres du mur à cinquante degrés qui conduit au sommet. Un planté de piolet, deux pas. Un nouveau planté de piolet, deux nouveaux pas. Un moment de pause, presque d'endormissement, jusqu'au coup de corde de Raime qui me force à réagir. Un planté de piolet, deux pas. Un nouveau planté de piolet, deux nouveaux pas. Je jure, je pleure, je me motive. Raime m'encourage. Au sommet, la joie et le sentiment de plénitude sont indescriptibles.

17 Mai : Aperitivo pastaga
Isla del Sol, sur le lac Titicaca. Après une semaine de trek dans le calme de la Cordillère peu fréquentée, le débarquement dans le village insulaire de Yumani est désespérément touristique. A la recherche d'un bon spot de camping, nous réalisons que seul le sommet du sud de l'île nous permettra de profiter tranquillement à la fois du coucher et du lever de soleil. Alors que la tente est finalement plantée dans un décor incroyable, deux touristes viennent profiter de notre coucher de soleil! Nous sympathisons, et les invitons à partager notre fiole de pastis. Gourmandise ou instinct, j'ai été bien inspiré juste avant de monter dans le bateau d'inviter Mr Pringles à se joindre à nous...

18 Mai : Tout simplement
Tout simplement être assis derrière le site des ruines incas de Chinkana, au soleil, à admirer l'île, le lac et la Cordillère. De l'autre côté du lac, le Pérou.

19 Mai : Bus panoramique
Le retour de Copacabana à La Paz au premier rang d'un bus panoramique est l'occasion de profiter une dernière fois de l'Altiplano et des scènes de vie sur les bords de la route. La nostalgie est déjà là...